« Ici les pénombre » se voudrait être le panorama fragmenté, joueur, grotesque et tragique du si fameux « siècle des Lumières ».
Non pas les Lumières que nous ont laissé les textes littéraires et théâtraux, l’Encyclopédie, les essais philosophiques ou les monographies historiques, mais celui que nous donnent, encore incertaines et tremblantes, les archives.
Un dix-huitième siècle saisi par les vies des anonymes, celles des « hommes infâmes » et des femmes en survie. Un dix-huitième siècle vu et appréhendé comme de biais, d’en dessous, de dos. Le dos des Lumières, en quelques sortes.
A partir d’un travail d’exhumation des liasses d’archives judiciaires et municipales, « Ici les pénombres » fabrique un théâtre cru, énergique, qui repose principalement sur la force actoriale. Mais un théâtre aussi très sophistiqué, narratif, verbal, et où s’entendent encore les dictions du Baroque. Voilà notre inventaire – il vient des rues, des places, des hôpitaux, des tribunaux et prisons. Mais aussi des alcôves libertines et des salons des puissants. Il est fait d’ombres, d’alcool et de chants, des sons d’un clavecin étouffés, de fard et de perruques, de postures et de danses, d’horlogeries à ressort et d’instruments de tortures. Mais aussi de plaintes, d’accusations, de cris. Des voix de ceux qui nous ont précédés et encore nous éclairent.
Arno Calleja, Septembre 2022.