Quai Ouest / Hong-kong, Bernard Marie KOLTÈS
UNE COPRODUCTION ON&ON THEATER (HONG KONG) / THÉÂTRE DE AJMER (MARSEILLE).
- Une nuit, un homme riche qui a pour secret de mourir en se jetant dans un fleuve, échoue avec sa dévouée secrétaire qui l’a conduit là en Jaguar, dans un no mans land : autoroute désertée, hangar désaffecté, quai abandonné par les bateaux, les touristes, le travail. Ici survit une famille d’immigrés revenue d’un pays en guerre –Rodolphe, Cécile, Claire et Charles-, Fak –un petit trafiquant- et Abad, figure de l’exclu, sorte de poubelle humaine dans laquelle les uns et les autres viennent déverser toute la saleté de leurs âmes. L’arrivée de l’homme riche sur ce territoire hostile va bouleverser l’ordre de ce misérable biotope : comme l’ange du « Théorème » de Pasolini, il va mettre chacun face à son désir – comment (re)naître à soi-même ? Comment devenir adulte ? Comment retrouver le sens de ses rêves (l’enfance, la terre natale, les odeurs oubliées des pays où ils sont nés) ? Comment refonder les liens qui forgent l’équilibre de la famille, de la communauté ? A ces petits jeux qui tiennent davantage de la roulette russe que de celle du casino, chacun va miser et tous vont perdre. Au bout de ce tunnel obscur se dresse un mur de tristesse et de désolation, le sentiment d’assister collectivement aux funérailles d’une humanité dont les courroies de transmission symboliques (ce qui s’échange d’une génération à l’autre, ce qui s’échange entre les femmes et les hommes, ce qui s’échange entre les classes sociales) seraient brisées. Chaque réplique démasque ce qui est conflictuel dans les rapports entre les êtres humains. Nous sommes face à l’obscurité, aux crachats, aux menaces, aux viols, pendant deux heures et demi sans entracte. L’oppression qui ne cesse pas jusqu’à la fin pousse tout le monde –spectateurs et acteurs- jusqu’aux limites de la folie. Ensuite, les personnages font face à une réalité incontournable contre laquelle leurs désirs se cassent le nez : ils s’entretuent, s’abandonnent au carnage. (…) La violence ne fait pas abstraction de la poésie, elles se nourrissent l’une de l’autre. On ne peut pas oublier ce à quoi on a assisté. @Shine Kong Kei Wing, revue Hardcore.
- Pendant deux heures et demie on subit les violences, les menaces, les tensions, la mort. Le public est oppressé. Les acteurs incarnent à fond les personnages. Avec violence et poésie ils construisent un no man’s land où la lumière comme le désir deviennent de plus en plus agressifs et lumineux. Paradoxalement, le moment du chaos de la pièce de Koltès est exposé dans une lumière crue (des lumières de service) : instant où le monde du théâtre se connecte au monde réel. La misère sociale que raconte la pièce et qu’interprètent brillamment les acteurs nous plonge, nous spectateurs, dans un malaise et nous démasque : on aurait envie de tourner la tête et de regarder ailleurs comme si cela ne nous concernait pas. Mais on reste figé. @Tiang Qi Ying, City Magazine Hong Kong.